RDC: le président Joseph Kabila signe une vague de nominations controversées dans l’armée
Le président congolais Joseph Kabila a remplacé ce weekend le numéro un de l’armée dans le cadre d’une vague de nominations à l’approche d’échéances électorales, incluant des promotions pour des officiers visés par des sanctions américaines en raison d’entraves à la démocratie.
Le lieutenant-général Célestin Mbala remplacera à l’état-major général des Forces armées de la RDC (Fardc) le général Didier Etumba, admis en retraite et nommé conseiller militaire du chef de l’État, d’après des ordonnances d’avancement en grade signées samedi et lues dimanche à la télévision publique.
Le général-major Gabriel Amisi, jusque-là commandant des forces armées pour la première zone de défense (qui inclut Kinshasa) est promu chef d’état-major adjoint chargé des opérations et du renseignement pour ainsi devenir le numéro 2 de l’armée.
Le président Kabila a aussi nommé le général John Numbi, ancien chef de la police nationale, au poste d’inspecteur général des Fardc.
En septembre 2016, MM. Amisi et Numbi avaient été placés sur une liste noire américaine, les deux officiers étant soupçonnés par Washington de s’être « engagés dans des actions qui ont sapé le processus démocratique en RDC et réprimé les libertés et droits politiques du peuple congolais ».
Ancien rebelle pendant la 2e guerre du Congo (1998-2003), le général Amisi avait été suspendu de ses fonctions de chef d’État-major de l’armée de terre en 2012, accusé par des experts de l’ONU d’être à la tête d’un trafic d’armes à destination de groupes rebelles dans l’Est.
Il a été blanchi de ces accusations en 2014 par le Conseil supérieur de la défense et nommé peu après à la tête de la 1ère zone de défense congolaise.
Ex-chef de la police congolaise, John Numbi est considéré par des défenseurs des droits de l’homme comme le suspect numéro un dans l’assassinat en 2010 d’un militant, Floribert Chebeya, après un rendez-vous au siège de la police.
Suspendu de ses fonctions peu après l’assassinat, le général Numbi a nié avoir fixé ce rendez-vous et a été élevé à un titre honorifique par le président Kabila en 2017.
Les défenseurs des droits de l’Homme inquiets
Le général John Numbi, ancien chef de la police congolaise lors du procès sur l’assassinat du défenseur des droits de l’homme Floribert Chebeya, Kinshasa, 27 janvier 2010.
Les défenseurs des droits de l’Homme se sont inquiétés mardi de la nomination de l’ancien chef de la police à un poste de haut rang au sein de l’armée, à quelques mois d’échéances électorales explosives en République démocratique du Congo.
Le président Joseph Kabila a récemment procédé à une série de nominations au sein de l’armée.
#RDC: Les promotions d’Amisi et Numbi, bien connus pour leurs graves atteintes aux droits humains, sont un affront aux victimes et reflètent un système où ceux qui violent les droits sont récompensés, alimentant les cycles de violence et d’impunité @hrw_fr https://www.hrw.org/fr/news/2018/07/16/des-auteurs-datteintes-aux-droits-humains-recompenses-par-des-promotions-dans-larmee …
13:24 – 17 Jul 2018
Le général John Numbi, ancien chef de la police congolaise, a ainsi été nommé Inspecteur général de l’armée, ce qui représente « une menace contre les défenseurs des droits humains en RD Congo », a écrit l’ONG congolaise la Voix des sans voix (VSV) dans un communiqué.
« La déception et les inquiétudes de la VSV sont grandes », car John Numbi « est toujours considéré par les défenseurs des droits de l’Homme comme le suspect numéro un » dans l’assassinat de Floribert Chebeya et la disparition de Fidèle Bazana en 2010.
« La VSV exige que le chef de l’État relève » l’officier de ses nouvelles fonctions.
Fondateur de la VSV, devenu au fil des ans très critique vis-à-vis du pouvoir du président Kabila, Floribert Chebeya avait été retrouvé mort dans sa voiture le 2 juin 2010, dans la périphérie de Kinshasa.
La veille au soir, il s’était rendu au siège de la police après avoir été convoqué pour y rencontrer son chef, le général John Numbi.
Son chauffeur, Fidèle Bazana, avait disparu le même soir, après l’avoir accompagné à ce rendez-vous. Son corps n’a jamais été retrouvé, et la justice a conclu en première instance qu’il avait été assassiné, tout comme Floribert Chebeya.
Suspendu de ses fonctions peu après l’assassinat, M. Numbi qui a toujours nié avoir fixé ce rendez-vous, n’a jamais fait l’objet d’une enquête. Il a été élevé à un titre honorifique par M. Kabila en 2017.
La nomination de M. Numbi « frise une prime à l’impunité de la violation des droits des défenseurs des droits humains en RD Congo » et constitue « un motif réel d’inquiétudes pour ces derniers au regard du contexte socio-politique » actuel, écrit la VSV.
Des élections générales sont prévues le 23 décembre 2018, dont la présidentielle censée élire le successeur de M. Kabila, dont le mandat à la tête de l’État s’est achevé fin 2016. La Constitution lui interdit de se représenter, mais ses détracteurs l’accusent de vouloir tout faire pour s’accrocher au pouvoir.
Les nomination de John Numbi et d’un autre officier, Gabriel Amisi, tous deux visés par des sanctions américaines, « accentuent les craintes de nouvelles vagues de répression et d’atteintes aux droits humains dans les semaines à venir », s’est aussi inquiété la directrice Afrique de Human Rights Watch, Ida Sawyer.
Avec AFP